Dans un des épisodes de la série télévisée The X-Files, l’agent Mulder souhaite la paix sur Terre. Le génie s’exécute alors en faisant disparaître toute la population de la surface du globe, affirmant que c’était le seul moyen de réaliser son vœu. C’est aussi le point de vue de Monsieur Smith — superordinateur à la forme humaine dans le film The Matrix. Celui-ci a d’ailleurs développé une théorie selon laquelle l’être humain, au lieu d’être un mammifère, serait en fait un virus. Théorie parfaitement illustrée dans les paroles de la chanson de Zazie : « Je suis un Homme et je mesure toute l’horreur de ma nature »…

Il serait donc fort probable que la disparition de l’humanité se révèle être une véritable bénédiction pour le reste de la vie sur Terre… Mais concrètement, que se passerait-il si la race humaine venait à disparaître ? Après tout, il serait totalement envisageable que l’être humain s’éteigne avant que le soleil ne devienne une géante rouge et n’extermine tous êtres vivants de la planète. Les scientifiques n’ont d’ailleurs cessé d’avertir la population depuis des décennies au sujet des actions humaines poussant la vie sur notre planète commune à une extinction de masse.

Mais supposant que seul l’humain disparaisse et que toute autre vie se voit épargnée (malgré notre remarquable tendance à l’extermination). Alors que les humains représentent aujourd’hui l’espèce animale dominante de la planète, il faut s’attendre à des changements assez conséquents lorsque nous ne serions plus là.

Si jamais nous avions l’occasion d’avoir un aperçu de la Terre environ 50 millions d’années après notre disparition, que trouverions-nous ? Quel animal ou groupe d’animaux « prendraient le relai » en tant que nouvelle espèce dominante ? Y aura-t-il une Planète des Singes, comme celle décrite dans la fiction populaire ? Ou serait-elle plutôt dominée par des dauphins, des rats, des ours aquatiques, des cafards, des cochons ou encore des fourmis ?

C’est un fantasme qui a donné naissance à un grand nombre de spéculations et bien des auteurs ont pu donner leurs avis sur la question. Mais avant de faire des suppositions, essayons de mieux comprendre ce que nous entendons par « espèce dominante ».

Statue de Charles Darwin.
Matt Brown/Flickr

Dans la classification des êtres vivants : qui règne ?

Charles Darwin était déconcerté par la rapidité avec laquelle les fleurs évoluaient et se propageaient, mais nous pouvons d’ores et déjà éliminer les plantes de la compétition pour nous tourner directement vers les animaux en raison de leur capacité de se déplacer et de leur comportement prédateur — qualités visiblement absentes chez les végétaux.

Mais d’un autre côté, ce sont plutôt les bactéries qui sont ici intéressantes, car selon certaines normes, le monde est dominé — et l’a à priori toujours été — par celles-ci, et ce malgré la fin nominale de l’« âge des microbes » d’il y a environ 1,2 milliard d’années. Ce déclin serait dû non pas parce que les bactéries ont cessé d’être ou ont décru, mais pour la simple et bonne raison de notre myopie qui nous fait accorder beaucoup plus d’importance à de grands organismes multicellulaires…

Par ailleurs, selon certaines recensions, 4 animaux sur 5 sont des nématodes (vers ronds), il est donc évident que ni la fréquence, ni l’abondance, ni la diversité ne sont des éléments requis en priorité pour être une forme « dominante » de vie. Au lieu de cela, notre imagination est séduite par des organismes importants et charismatiques.

Le scénario de « La planète des Singes », une possibilité ?

Depuis le début, nous avons la prétention de pouvoir connaître la prochaine espèce dominante. Et c’est aussi dû au narcissisme indéniable de l’être humain que nous avons une forte tendance à attribuer ce titre à de proches parents.

Un excellent exemple serait « La planète des singes », une œuvre supposant que nos cousins les primates pourraient développer la parole et adopter notre technologie si nous leur donnions le temps et l’espace nécessaires.

Mais des sociétés primates non humaines ont en réalité peu de chances d’hériter de notre règne sur la Terre, car les singes ont plus de chances de disparaître avant nous. Étant déjà les seuls hominidés vivants dont le statut d’espèce n’est pas menacé, voire menacé de façon critique, le genre de crise globale qui éteindrait notre espèce n’épargnerait sans doute pas ce qui resterait des populations fragiles, comme celle des autres grands singes. D’autant plus que toute extinction frappant les humains sera logiquement encore plus dangereuse pour les organismes qui partagent nos conditions physiologiques de base.

Zoosnow/Pixabay

Même si les humains succombent à une pandémie qui affecterait relativement peu d’autres mammifères, ce sont les grands singes qui forment justement les espèces le plus à même de contracter n’importe laquelle des nouvelles maladies qui nous auront fait disparaître de la surface terrestre.

Et quand bien même ! Un autre parent plus éloigné (primate, mammifère ou autre) développera-t-il une intelligence et une société à l’image de l’homme ? Cela paraît également peu vraisemblable.

De toutes les espèces animales ayant détenu la domination à une étape de l’histoire de la Terre, les humains possèdent le monopole d’une intelligence remarquable et d’une grande habileté manuelle.

De telles caractéristiques ne constituent donc pas des conditions pour devenir dominant parmi les animaux ni des traits susceptibles d’évoluer. L’évolution ne favorise pas l’intelligence pour l’intelligence, sauf si elle conduit à une plus importante capacité de survie et de reproduction. Par conséquent, c’est une grave erreur d’imaginer que nos successeurs seraient des créatures spécialement intelligentes ou socialement douées. Ni qu’elles maîtriseront leur langage et seront expertes en technologie humaine.

Alors, quelle hypothèse pouvons-nous avancer avec certitude sur qui constituera l’espèce dominante dans 50 millions d’années (après l’humanité) ? La réponse est à la fois insatisfaisante et enthousiasmante. Nous pouvons être à peu près sûrs qu’il ne s’agira pas d’un chimpanzé qui parle ; nous n’avons autrement aucune idée de ce à quoi cette espèce pourrait ressembler.

Faris Algosaibi/Flickr

D’une extinction de masse à une autre : Ainsi va la vie

Le monde a déjà vu défiler plusieurs extinctions massives. Et dans la suite, « Nous entrons dans la sixième grande extinction de masse », d’après ce qu’annonçaient, en juin 2015, des biologistes des universités américaines de Stanford, Princeton et Berkeley, dans une étude publiée par la revue Science Advances.

Suivant chacun de ces cataclysmes, une diversification de la vie s’est vue alors composée de façon relativement rapide de manière à ce que le « rayonnement adaptatif » de nouvelles espèces ait produit de nouvelles formes, dont beaucoup sont différentes des lignages ancestraux qui les ont engendrées après avoir survécu à l’extinction antérieure.

Par exemple, les petites créatures à l’allure de musaraigne qui se faufilaient sous les pattes de dinosaures, vers la fin du Crétacé, différaient beaucoup des ours des cavernes, des mastodontes et des baleines, qui pourtant constituent tous leur descendance à l’âge des mammifères.

Un même cas concerne les reptiles ayant survécu, il y a quelque 250 millions d’années, à l’extinction survenue à la fin du Permien et qui avait anéanti 90 % de la faune maritime et 70 % des espèces terrestres : eux non plus ne laissaient prévoir en rien leurs descendants, c’est-à-dire les ptérosaures, les dinosaures, les mammifères et les oiseaux.

Dans son ouvrage, « La vie est belle : les surprises de l’évolution », Stephen Jay Gould, un célèbre paléontologue américain, avait fait valoir que le hasard, ou la « contingence » comme il aimait l’appeler, a joué un grand rôle pendant les transitions majeures de la vie animale. On peut discuter de l’importance relative du fortuit dans l’histoire de la vie, même si cela reste tout de même un sujet controversé de nos jours. Cependant, quand Gould affirme que nous sommes peu capables de prédire le succès évolutif des lignées actuelles au-delà d’une extinction à venir, il nous donne une leçon d’humilité face à la complexité des transitions dans l’évolution.

Ainsi, même s’il est possible que comme beaucoup l’ont spéculé, les fourmis s’emparent de la Terre, nous ne pouvons qu’imaginer de quoi les descendants de ces dernières — dominantes — auront l’air…


Contenu Sponsorisé