Notre société moderne tourne autour de l’individu.
La technologie aidant, l’être humain se retrouve souvent à gérer des situations de plus en plus complexes, assisté par sa seule matière grise et une infinité de machines interconnectées, obéissant à des ordres suspendus au bout d’un clic de souris.
Pourtant quand il s’agit de se détendre ou de s’amuser, il se retourne vers ses pairs. Il est clair que l’instinct primitif de vivre en groupe, en caste ou tout simplement en famille, ainsi que le souvenir de la joie collective et du sentiment de protection qui s’y rattache reprennent le dessus.
En effet, c’est au sein du groupe que l’individu apprend à se distinguer selon les circonstances ou au contraire, à s’y assimiler complètement pour mieux goûter au bonheur ou même faire face aux épreuves…
Se perdre dans la musique
Une foule en liesse, une population euphorique, autant d’expressions qui énoncent la joie collective. En 1912, le sociologue français Émile Durkheim définissait déjà l’effervescence collective comme « étant une ivresse joyeuse ressentie à la suite d’une expérience commune », dans son livre qui traitait essentiellement de la religion.
Cette définition illustre merveilleusement la réaction des foules lors des concerts, des manifestations ou encore de certains évènements, poussant les uns à se dépasser eux-mêmes, tout en ayant le sentiment de partager quelque chose d’exceptionnel.
Mais ce sentiment fort et beau qui jadis représentait un outil de survie évolutif, empêchant ainsi les sociétés médiévales et les peuples anciens de s’effondrer, a tendance à se raréfier dans notre société émancipée par la révolution industrielle et les changements socio-économiques. Nous devenons moins solidaires.
En 2017, la psychologue Shira Gabriel de l’Université de Buffalo a inventé l’échelle de mesure de l’effervescence collective, initialement appelée TEAM (Tendance Effervescent Assembly Measure), suivant les déclarations de volontaires ayant vécu une catastrophe, tels que des blizzards géants ou autres phénomènes causant l’isolement d’une ville ou d’une région.
Devant l’adversité, un sentiment de compassion et de solidarité entre les voisins ou même envers les étrangers s’installe naturellement poussant l’effervescence collective à déguiser l’impression d’horreur en un sentiment d’euphorie collective excitant.
Il est à noter que le score TEAM évolue de manière exponentielle avec le sentiment d’interconnexion aux autres.
Nous sommes tous dans le même bateau
Le Docteur Gabriel rapporte que l’effervescence collective est commune aussi bien aux fans entre eux, vis-à-vis de leurs idoles ; comme c’est le cas de millions d’admirateurs de par le monde de la saga « Harry Potter », du jeu vidéo « Game of Thrones » ou encore du groupe de rock « Queen » scandant sa célébrissime chanson « We Are the Champions ».
Cependant, elle peut aussi avoir une autre face, impliquant cette fois l’individu et les personnages fictifs qu’il lit. Effectivement, le fait d’utiliser son imagination pour participer psychologiquement à la trame d’un livre ou d’un film provoque des sentiments semblables à ceux constatés lors de l’effervescence collective, et c’est ainsi que l’hypothèse « d’assimilation collective » du Dr Shira est née.
Cela explique que les adeptes de ces mondes imaginaires ressentent des sentiments d’identification, d’appartenance ou de pensée positive, assimilables aux impressions ressenties par les ouailles d’un même groupe religieux, les membres d’un syndicat ou un groupe de force ouvrière.
Finalement, l’effervescence collective est un sentiment commun au genre humain, que ce soit dans la peur ou dans la joie, l’impression ressentie est décuplée quand elle implique un groupe ou une communauté ; une communion totale, une compassion attendrie, ou une plénitude intense, a besoin de l’ingrédient « foule » pour vivre cet état d’exception fabuleux ne serait-ce qu’une fois dans la vie.