L’évolution biologique abordée dans les bandes dessinées « X-Men » et « Heroes » n’est pas juste une simple invention de l’ordre de la fiction. De nombreuses mutations génétiques sont véritablement observées sur la population humaine au cours des générations.

Une des modifications du génome humain les plus récemment recensées est celle datant de 2018 et figurant dans la revue Nature. Effectivement, des chercheurs australiens de la Sunshine Coast (USC) ont indiqué la présence d’une protubérance osseuse du crâne inhabituelle chez plusieurs jeunes.

Mais n’allez pas imaginer des cornes diaboliques comme celles qui ont poussé sur le front de Daniel Radcliffe dans le film Horns sorti en 2013. Cette excroissance-ci se trouve en réalité juste au-dessus du cou, derrière la tête.

Selon les chercheurs, il s’agirait en fait d’une adaptation de notre système squelettique aux contraintes particulières de la vie moderne dont notamment l’utilisation des nouvelles technologies.

Après avoir inspecté aux rayons X 1 200 crânes de jeunes adultes âgés de 18 à 30 ans, il a été constaté que plus de 40 % des patients avaient développé ces éperons osseux.

Mais ce n’est pas tout, certaines de ces « cornes » mesuraient à peine 10 millimètres tandis que d’autres en avaient une d’une longueur allant jusqu’à 30 mm. Et les sujets finissaient le plus souvent par développer au bout d’un certain temps une légère bosse sur leur nuque, assez douloureuse…

Rapports scientifiques montrant une « protubérance occipitale externe élargie ».
SHAHAR ET SAYERS 2018, CC-BY 4.0

Ces excroissances se produisent à l’arrière de la boîte crânienne. Là où nous avons une grande plaque appelée « os occipital », et au milieu une légère bosse appelée « protubérance occipitale externe » (POE ou EOP), où certains des ligaments du cou et des muscles y sont attachés.

Cette POE correspond donc à un point de fixation que l’on appelle en anatomie, une « enthèse ». Cette partie de nos squelettes peut être sujette au développement de croissance osseuse épineuse dite « enthésophyte », généralement en réponse à un stress moteur par exemple, une contrainte musculaire supplémentaire.

Bien que la taille de leur échantillon soit petite, David Shahar et son collègue Mark Sayers (les auteurs de la recherche), ont néanmoins émis une hypothèse audacieuse : d’après eux, cette proéminence osseuse serait due à l’avènement de la « révolution technologique portative ».

Habituellement, de telles caractéristiques « dégénératives » du squelette humain sont des signes de vieillissement, mais dans ce cas, la POE élargie touche la jeunesse, de manière différente selon le sexe de la personne et le degré de protraction de la tête.

De ce fait, le fait d’être un homme augmente de plus de cinq fois les chances d’une personne d’avoir une protubérance ; ceci pourrait s’expliquer par une masse accrue de la tête et du cou dont la puissance musculaire est plus importante que chez la femme.

« Nous reconnaissons que des facteurs tels que la prédisposition génétique et l’inflammation influencent la croissance des enthésophytes », écrivent les auteurs. « Cependant, l’utilisation de technologies modernes et d’appareils portables pourrait être principalement responsable de ces postures et du développement ultérieur de caractéristiques crâniennes robustes et adaptatives dans notre échantillon. », ajoutent-ils.

Public Domain/Max Pixel

Des résultats intéressants, mais qui ne révèlent aucun lien de causalité précis. La méthodologie de cette étude est dès alors à remettre en question.

Entre temps, des recherches plus approfondies sur la manière dont les appareils mobiles peuvent modifier notre système musculosquelettique ont été faites.

L’une d’elles, parue sur une récente revue systématique, a révélé que parmi les utilisateurs d’appareils portatifs, les affections liées au cou sont jusqu’à 67 fois plus courantes que dans toute autre région de la colonne vertébrale.

D’autres études encore ont indiqué que 68 % des travailleurs et des étudiants signalent une douleur au cou après avoir utilisé des appareils mobiles pendant au moins 4,65 heures en moyenne par jour.

Pencher la tête en avant vers le bas n’est pas une position inhabituelle pour l’homme. Il n’empêche que nos tendances récentes à rester longtemps comme cela scotchés à nos écrans est beaucoup plus significatif comparé au temps que passaient les gens avant nous à lire des livres ou à écrire dans leurs journaux intimes.

Cette protubérance n’est pas nécessairement nuisible en elle-même, mais elle pourrait avoir des complications, car la manière dont notre corps compense une mauvaise posture pourrait créer un stress supplémentaire pour certaines articulations et certains muscles, augmentant ainsi les risques de blessures ou de problèmes musculosquelettiques à l’avenir.

« Bien que la “révolution de la tablette” soit pleinement et efficacement ancrée dans nos activités quotidiennes, il convient de rappeler que ces dispositifs n’ont que dix ans et qu’il est possible que des troubles symptomatiques apparentés n’apparaissent que maintenant », concluent les auteurs.


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