Nikea Ulrich & al., PLOS ONE.

Les techniques analytiques modernes, entre autres, ne laissent place à aucun doute grâce à leurs performance, efficacité, mais surtout précision. Pourtant, une erreur d’interprétation peut facilement s’y glisser.

Pour cette raison, des experts n’ont pas hésité à tenter une expérience inédite. Si le concept semble être tout à fait banal, ce qu’il nécessite en temps et en moyens est loin de l’être. Malgré ces contraintes techniques, le résultat reste prometteur et la démarche vaut bien le coup, selon ses initiateurs…

Une grande ambition

Les expériences scientifiques les plus folles ne font pas toujours l’unanimité. Souvent, leur réalisation requiert la mobilisation d’un budget trop important, des méthodes rigoureusement étudiées qui, parfois, ne répondent même pas aux critères éthiques les plus élémentaires. Cela dit, il faut savoir pousser les limites de l’imagination et les difficultés des procédés pour faire avancer le savoir.

Une équipe composée de spécialistes d’Écosse, d’Allemagne et des États-Unis a réussi à imposer une idée qui sort de l’ordinaire. Il s’agit de la toute première expérience scientifique planifiée pour durer 500 ans, à commencer de 2014. Les premiers résultats, récapitulant les deux premières années, ont déjà été publiés dans PLOS ONE, mais il faut d’abord comprendre l’utilité de la recherche pour apprécier leur pertinence.

Il s’agit d’une expérience axée sur la microbiologie. L’objectif principal, selon les auteurs, est de déterminer le taux de viabilité de souches bactériennes, sélectionnées pour l’étude, dans un état de latence et au sein d’un milieu isolé. C’est à cause de cette condition qu’un tel test doit durer autant de temps, étant donné que le monde microscopique ne répond pas à la même notion du temps que celle que nous connaissons.

Nikea Ulrich & al., PLOS ONE

« Quel est le taux de perte de viabilité exact des germes lorsqu’ils sont en dormance ? » était la principale question posée par les chercheurs au début du projet. « Quelle est la fonction mathématique qui décrit leur taux de mortalité sur de longues périodes ? Certains d’entre eux périssent-ils plus rapidement que d’autres, laissant place à une population résistante ? »

Ce sont les deux espèces bactériennes Bacillus subtilis et Chroococcidiopsis qui servent pour cette étude. Le protocole est assez simple, mais efficace. Les microbiologistes ont « scellé » les spores lyophilisées des bactéries choisies, connues pour leur tolérance des milieux extrêmes, dans 800 flacons en verre fermés hermétiquement et blindés au plomb pour une radioprotection optimale. Enfin, une reconstitution par hydratation permettra de dénombrer, d’année en année, les souches viables et celles endommagées.

De sérieux obstacles

« Ce sera la plus longue expérience scientifique planifiée jamais créée pour étudier la survie des microorganismes et des biomolécules au cours des siècles. » comme l’expliquent les auteurs en précisant que durant les 24 premières années, un nombre de flacons sera ouvert tous les deux ans afin d’étudier l’évolution des spores. Par la suite, le même test périodique se fera tous les 25 ans jusqu’à 2514. Pour le moment et selon les premiers rapports, ils ont l’air de bien apprécier leur environnement et relèvent le défi de la très longue attente.

« Après deux ans de stockage dans les conditions de l’expérience de 500 ans, aucune perte significative de la viabilité des spores n’a été constatée. » ont déclaré les chercheurs tout en soulignant que « des différences mineures peuvent entraîner de grandes différences à mesure que l’étude progresse » et il n’est pas seulement question de la viabilité des espèces, mais de l’expérience elle-même.

Nikea Ulrich & al., PLOS ONE

En effet, l’un des plus grands challenges d’un tel projet est de pouvoir le perpétuer en fonction de tous les changements qui peuvent survenir au cours de son développement. Les spécialistes ont même pensé aux différents moyens qui serviront à conserver les instructions : sur papier, dans une clé USB ou même inscrites dans une plaque de métal, comme nous n’avons aucune idée des innovations linguistiques et technologiques propres à un futur aussi éloigné.

« Parce que la préservation est de la plus haute importance, il faut utiliser du papier et de l’encre de qualité archivistique. » ont conclu Charles Cockell de l’Université d’Edinburgh et Ralf Möller, microbiologiste au German Aerospace Center.

L’expérience de la goutte de poix qui dure depuis 1927, celle sur l’impact des engrais dans un champ en Angleterre qui a débuté en 1843 ou encore la recherche des mutations de la bactérie E. coli en cours depuis 1988 à la Michigan State University sont parmi les nombreux exemples dans ce genre. « Continuer à s’aventurer dans l’inconnu, c’est être continuellement optimiste. » s’est exprimé Möller.


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