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Chaque éruption volcanique est un événement qui nécessite la plupart du temps une évacuation de la population, et des mesures de sécurité draconiennes afin d’éviter les coulées de lave, mais aussi l’exposition aux émanations de gaz.

C’est surtout une occasion en or pour les scientifiques d’étudier ce genre d’événement, et comprendre le comportement des volcans. Une mine d’informations et de données, qui permettent de mieux cerner le phénomène, et arriver à l’anticiper dans certains cas.

Le Kilauea, un volcan d’Hawaii a commencé une série d’éruptions le 3 mai (2018) dernier, attirant les scientifiques les plus éminents et voici ce qu’ils ont pu en apprendre.

Une éruption des plus violentes

Un des plus jeunes volcans d’Hawaï (moins de 600.000 ans), le Kilauea culmine à 4 170 m, et l’un des plus actifs, qui est resté en éruption depuis 1983. Dernièrement, il a commencé à se fissurer à sa base dans le coin sud-est de Big Island, entraînant des coulées de lave et des émanations de gaz qui ont contraint les habitants de l’île à déserter plus de 45 maisons et bâtiments.

La vapeur et les gaz se dégagent actuellement de 22 fissures, ainsi qu’un brouillard rosâtre plane sur la quasi-totalité de la partie sud de l’île, ce phénomène porte le nom de «Vog».

Wikimedia Commons.

Une importante centrale géothermique a même été menacée par les coulées de lave, et a dû être fermée dès le début des éruptions. Son importance est capitale pour l’île, car elle fournit environ le quart de l’électricité du Big Island. Les responsables ont récemment déclaré que l’usine était hors de danger et sécurisée contre tout contact potentiel avec la lave.

Plus tôt cette semaine, les coulées de lave se sont étendues à l’Océan Pacifique avec des projections de gaz potentiellement toxiques et des éclats de verre dans l’atmosphère, ce qui a produit une sorte de « labyrinthe ».

Wikimedia Commons.

Un volcan historique qui passionne

Cela fait plus de 25 ans que ce volcan, situé sur l’île d’Hawaï, est un des volcans les plus étudiés au monde. Chaque mouvement, ou frisson du sol est soigneusement étudié et enregistré à l’aide de sismomètres, d’inclinomètres et de détecteurs de gaz, afin de mieux comprendre le comportement d’un volcan aussi actif. Un attirail important qui permet de scruter le moindre changement ou mouvement, tel un patient dans une unité médicale de soins intensifs.

Il a été possible pour les chercheurs, entre les épisodes éruptifs, de sonder les pentes rocheuses du volcan, et ont alors découvert des traces d’anciennes coulées de lave et des traces d’explosions mortelles.

Janine Krippner, volcanologue à l’Université Concord en Virginie occidentale, déclare que c’est une véritable chance de pouvoir faire une étude d’aussi près d’un volcan d’une telle ampleur afin de pouvoir comprendre ses origines et son histoire et de mieux anticiper ses futures éruptions. Elle a notamment pu noter que les récentes explosions au sommet du volcan ressemblent fortement à celles observées en 1942.

Le Kilauea connaît des éruptions dites « phréatiques » à vapeur, qui passionnent et intéressent particulièrement les spécialistes. Ce phénomène se produit lorsque des roches chaudes interagissent avec l’eau dans le sol, associé à une obstruction de l’évent du volcan qui engendre une pression qui se termine en explosion.

Maarten De Moor, un chercheur à l’Observatoire volcanologique et sismologique du Costa Rica, a consacré une grande partie de sa carrière à étudier ce phénomène, et affirme qu’il est souvent mal compris et difficile à anticiper, mais son intensité peut être dévastatrice.

En 2014, une explosion soudaine de vapeur du mont Ontake a fait 63 victimes au Japon. Aucun signe avant-coureur n’avait été enregistré, ni tremblement de terre ou autres activités pouvant présager une telle explosion. D’où l’importance de mieux comprendre ce phénomène afin d’éviter ce genre d’hécatombe.

De Moor, suggère dans ses recherches qu’il est utile d’étudier les gaz provenant des évents volcaniques afin de pouvoir anticiper quelques heures voire même minutes l’arrivée d’un évènement phréatique, et les données fournies par l’activité actuelle de Kilauea permettent d’appuyer les recherches dans ce sens.

Adam Kent, géologue à Université d’État de l’Oregon, n’a jamais pu assister de son vivant à une explosion volcanique, cependant il a consacré ses recherches à étudier les volcans dans l’Arc de la Cascade le long de la côte du pacifique. Il est devenu spécialiste en histoire des volcans, tel un archéologue des cratères et des paysages meurtris par les coulées de lave. Kent compare la récente explosion du Kilauea au Newberry Volcano, un volcan bouclier près de Bend en Oregon, qui a éclaté pour la dernière fois en l’an 690.

Le processus de formation du magma du volcan hawaïen est complètement différent des autres volcans, car, là, de nouvelles terres se forment au milieu de la haute mer, tandis que la plaque du Pacifique dérive au-dessus de matière extra-chaude qui jaillit du manteau qu’on appelle «point chaud».

Wendy Stovall, une volcanologue du US Geological Survey, déclare que la nature de la lave du volcan a changé perdant sa viscosité, devenant plus chaude, lisse et rapide au sol. Ce qui en fait une menace plus grande pour la population et les habitations de la région. Les scientifiques ont aussi noté qu’il existe des similitudes chimiques entre la lave émergeant des fissures et le magma au sommet du volcan, preuve qu’il a pu se frayer un chemin à travers les 1,2 km de haut du volcan.

Cette perte de magma par les fissures engendre moins d’écoulement par le sommet et donc plus de pression à la base du volcan, de quoi augmenter le niveau des réservoirs et atteindre la nappe phréatique. Des explosions à vapeur sont alors observées, comme c’est le cas, ces derniers temps.

Krippner rassure cependant depuis quelques jours sur l’étendue du volcan, et le danger qu’il peut représenter pour l’île, mais aussi pour le reste du monde. Elle affirme que le Kilauea n’a aucune relation avec le Cercle de feu, et ne risque pas de causer de tremblements de terre de grande intensité ou de tsunamis, ni même engendrer de changements climatiques de grandes envergures. Cette activité est certes impressionnante et importante, mais elle estime qu’il est inutile de créer un mouvement de panique juste pour attirer l’attention sur le phénomène.


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