Alfred-Wegener-Institut / Stefan Hendricks

Nous mangeons, allons sur le « trône », faisons la petite commission, tirons la chasse et n’y pensons plus. Les commodités de la ville nous rendent la vie bien facile.

Mais comment fait-on pour soulager une envie pressante en randonnée, sur un camp de toile ? Derrière un arbre, un buisson ?

La question se corse quand c’est en Antarctique que le « besoin » se fait sentir…

Le «bonhomme» des neiges

La population de l’Antarctique — principalement des chercheurs et du personnel de soutien — est estimée à environ 5 000 personnes en été. S’ajoute à tout ce beau monde, en haute saison, un nombre de touristes qui dépasse parfois les 40 000 personnes. Cela fait beaucoup pour une terre vierge recouverte de glace.

Qui dit humains, dit « activités » et donc « déchets » ; dont les rejets organiques.

Contrairement aux autres mammifères — et aux animaux en général — qui vivent de manière cyclique en parfaite harmonie avec la nature. L’homme de par son mode de vie « moderne » doit réfléchir à la gestion de ses déchets et leur assainissement.

D’autant plus quand il s’agit de l’une des zones naturelles les plus précieuses au monde, à mille lieues de tout.

L’Antarctique n’est d’ailleurs pas l’unique endroit reculé où l’assainissement est une affaire majeure. Le mont Everest au Népal, ou le Denali — anciennement mont McKinley — en Alaska sont d’autres endroits difficiles d’accès où la question se pose aussi.

La Chine a récemment annoncé que les alpinistes du plus haut sommet du monde devraient commencer à emporter leurs propres excréments, tandis que des scientifiques en Alaska ont averti que le réchauffement planétaire pourrait faire fondre environ 66 tonnes de matières fécales gelées à flanc de montagne.

ELI DUKE/Flickr

Des règles internationales sont justement mises en place pour s’assurer que le continent blanc ne croule pas sous un tas de déchets solides des humains. En effet, le pôle est protégé par le Protocole sur la protection de l’environnement du Traité sur l’Antarctique de 1998, qui stipule que « la quantité de déchets produits ou éliminés en Antarctique doit être réduite au minimum afin de protéger l’environnement et les autres valeurs antarctiques ».

Toutefois, une grande partie de la loi est interprétée librement, si bien que les procédures de traitement des déchets varient d’une station de recherche à l’autre.

Une partie est traitée, puis renvoyée dans divers pays, notamment aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Dans d’autres cas, les déchets sont traités et déversés dans l’océan.

La logistique quotidienne des stations dépend de l’entreprise, mais également de son emplacement. De nombreux centres de recherche importants disposent de toilettes à chasse d’eau, y compris les stations américaines McMurdo et Amundsen-Scott South Pole, dirigées par les États-Unis, mais ces installations au confort moderne sont plus difficiles à obtenir.

Grant Dixon

Certaines des stations exigent même que les deux types de déchets — solides et liquides — soient traités individuellement. Cela revient à prévoir des toilettes séparées ; une pour chacune des fonctions corporelles.

Sur le terrain, les chercheurs doivent utiliser des seaux pour les déchets solides et des flacons pour les déchets liquides, pas d’exception pour les femmes.

À certains endroits, la Chine et les États-Unis utilisent des « toilettes-fusée » (rocket toilets en anglais, officiellement appelées « incinolets ») qui brûlent les déchets et les réduisent en cendres.

La station américaine McMurdo

Le lever du soleil et des nuages ​​nacrés au-dessus de la station McMurdo vus de Observation Hill.

La plus grande du continent. Elle accueille en moyenne 850 visiteurs pendant la saison estivale. Pendant plusieurs décennies, les excréments étaient réduits en petites particules qu’on relâchait ensuite dans l’océan.

En 1989, un responsable américain a déclaré au New York Times : « L’élimination des déchets en Antarctique était une honte. Mais depuis une demi-douzaine d’années, nous corrigeons les péchés des générations précédentes. »

Ce n’est cependant qu’en 2003 que la station McMurdo acquiert sa propre usine de traitement des déchets connectée à son réseau de toilettes à chasse. Les déchets alors broyés par deux broyeurs JWC Environmental Muffin Monster sont ensuite désinfectés par UV. Le produit final liquide est pompé dans l’océan.

Tous les déchets solides résultant du processus de traitement sont emballés et envoyés aux États-Unis par des cargos qui apportent des fournitures à la station McMurdo chaque année. Les navires transportent également des matières recyclables, des déchets alimentaires et des échantillons scientifiques vers les États-Unis.

Peter West, Polar responsable de programmes de sensibilisation de la National Science Foundation, qui gère la station McMurdo, a confié à Mental Floss. « Même une partie des eaux usées grises/noires des camps est amenée aux États-Unis pour y être éliminée. »

La station australienne Davis

Après la panne d’une usine de traitement des déchets de la station de recherche Davis en 2005, ils ont dû recourir à un autre moyen pour éliminer les déchets laissés par les quelque 120 scientifiques et membres du personnel qui y séjournent chaque été. Au lieu de traiter les déchets, « les eaux usées ont été brûlées ou rejetées avec peu ou pas de traitement directement dans la mer », écrit la Division antarctique australienne (AAD) sur son site Web.

Cette méthode d’élimination a eu un effet désastreux. Une étude réalisée en 2010 a révélé que les matières fécales ne se dispersaient pas bien une fois déversées dans la mer. Au lieu de cela, elles se regroupaient dans certaines zones, exposant les populations voisines de phoques et de manchots à de fortes concentrations de bactéries.

Paire de toilettes portatives installées quelque part en Antarctique.
Twitter

Pour résoudre ce problème, une nouvelle usine de traitement des eaux usées a été construite. Mais avant de pouvoir commencer à l’utiliser, ils ont dû attendre le feu vert microbien : « Les usines de traitement des eaux usées utilisent des microbes pour absorber une grande partie des déchets, et il faut un certain temps pour que ces derniers se multiplient suffisamment pour pouvoir effectuer ce travail lors du démarrage d’une nouvelle usine » a déclaré à Mental Floss, Michael Packer, ingénieur de la Division antarctique australienne.

« Partout ailleurs dans le monde, ce processus peut être démarré en introduisant des doses de ces microbes. En Antarctique, c’est un peu plus compliqué, car nous ne voulons pas introduire d’espèces étrangères dans son environnement ».

L’usine est devenue opérationnelle en 2016. Elle a rapidement commencé à transformer les déchets en « une des eaux parmi les plus propres au monde », selon l’AAD. De là, l’eau est rejetée dans l’océan. Les résidus solides qui restent sont ensuite concentrés dans une carafe et renvoyés en Australie.

Par ailleurs, tout chercheur devant soulager un besoin pressant en dehors de la station doit emporter ses déchets avec lui afin qu’ils puissent être traités à la base.

En définitive, si jamais l’envie de faire un tour dans l’une des régions les plus reculées du monde vous vient, il faudra penser à avoir sous la main de quoi faire pour répondre à « l’appel de la nature ».


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