La mer Morte n’est en fait qu’un lac — bien que plutôt grand. Il est partagé par l’Israël, la Palestine et la Jordanie, sa seule source d’eau douce. Du fait de la salinité très importante de ses eaux, il est très facile d’y flotter. C’est peut-être d’ailleurs en raison du paysage assez morbide des corps flottants à sa surface qu’on l’a ainsi qualifié de « morte » ; de plus, ni algue ni poisson (macroscopiques) ne peuvent y vivre…
La particularité de son taux élevé en sel — jamais observé nulle part ailleurs — suffisait déjà à déconcerter les scientifiques qui l’étudiaient jusqu’à ce qu’un autre fait — fortement lié au précédent — vienne s’ajouter à la liste des plus incroyables phénomènes naturels : une « neige » de sel tombant dans les profondeurs marines.
Des chercheurs de l’Université de Californie à Santa Barbara pensent détenir à présent une explication à ce processus dans une toute nouvelle étude publiée dans l’American Geophysical Union’s Water Resources Research.
Depuis les années 1970, le détournement des eaux douces alimentant la mer Morte — principalement à des fins d’irrigation — a abaissé le niveau de l’eau, ce qui l’a rendue plus salée. Les chercheurs ont par la suite observé que la couche de sel accumulée sur le fond marin augmentait d’environ 10 centimètres par an dans des structures en forme de doigt dressées. Cela défie la physique, ou du moins les géologues le pensaient.
En été, la chaleur du soleil divise la mer Morte en deux couches distinctes : une couche plus chaude sur le dessus, directement chauffée par le soleil, et une couche plus froide et moins salée en dessous, tandis que la couche supérieure devient plus salée à mesure que la chaleur évapore l’eau. Les spécialistes savaient que le « sel de neige » provenait de la couche supérieure, mais ils n’arrivaient pas à comprendre comment il s’était mélangé au niveau inférieur, plus froid.
Selon une théorie anciennement proposée, la couche supérieure qui serait perturbée par les vagues et d’autres mouvements, laisserait passer de petites quantités d’eau tiède vers le bas — dans une eau plus froide et plus dense. La chaleur se diffuse plus rapidement que le sel et, à mesure que l’eau chaude se refroidit, le sel précipite pour former des cristaux qui coulent tels des « flocons » dans un processus que l’équipe appelle « doigté de sel », car les cristaux s’agglutinent et forment des concrétions en forme de « doigts ».
« Les premiers doigts ne font peut-être que quelques millimètres ou quelques centimètres d’épaisseur, mais ils sont partout sur toute la surface du lac », a déclaré le co-auteur de l’étude, Eckart Meiburg, dans un communiqué.
Ce n’était qu’une théorie jusqu’à ce que Raphael Ouillon et son équipe — dans une étude publiée dans la revue Water Resources Research — aient mis au point une simulation informatique qui décrirait aussi fidèlement que possible le déroulement du « doigté de sel ».
D’autre part, la mer Morte est le seul plan d’eau hyper-salé de notre planète sur lequel les chercheurs ont enregistré ce processus, ce qui en fait un laboratoire naturel exclusif. « Globalement, cela fait de la mer Morte un système unique », a déclaré Nadav Lensky, géologue et co-auteur de l’étude. Et les découvertes de ces recherches sont importantes non seulement pour comprendre la mécanique de la mer Morte, mais aussi pour aider les géologues du monde entier à comprendre comment des dépôts géants de sel se sont formés dans la croûte terrestre.