Être créatif augmente le risque de schizophrénie de 90%

Ce qui fait d’une œuvre d’art ce qu’elle est, c’est avant tout l’émotion qu’elle sait susciter en nous, mais aussi la surprise qu’elle crée chez celui ou celle qui la contemple ou qui l’écoute, nous apportant ainsi une vision nouvelle et un regard particulier, propre à son créateur.

La schizophrénie quant à elle est un grave trouble psychiatrique de la personnalité, où les sujets perdent toute notion rationnelle de réalité qui se voit ainsi altérée par des délires ou encore des hallucinations.

Si de prime abord il semblait que créativité et schizophrénie soient deux mondes bien distincts sans aucune corrélation, les scientifiques qui se sont penchés sur la question ont pourtant établi un constat des plus étonnants selon lequel être créatif augmenterait le risque de schizophrénie de près de 90 %.

Un lien surprenant, mais pourtant bien réel

Van Gogh, Beethoven, Chopin ou encore Hemingway, Munch, Artaud, Barrett… la liste de grands artistes qui ont souffert de schizophrénie ou de graves pathologies mentales est longue et si les études purement scientifiques qui prouvent le lien entre créativité et schizophrénie sont récentes, il a pourtant été remarqué il y a déjà quelques siècles.

Public Domain, Pixnio

C’est ainsi qu’on peut lire dans « Poétique », un ouvrage d’Aristote datant du IVe siècle av. J.-C. : « Il n’y a pas de génie sans grain de folie ». De même, dans l’imaginaire populaire, le peintre, l’écrivain ou le savant en pleine phase d’inspiration est souvent perçu comme extrêmement agité, délirant, et à la limite de la folie.

D’un point de vue strictement scientifique, de nombreuses études ont été menées à ce sujet, amenant alors à une même conclusion : il existe bel et bien un lien entre schizophrénie et créativité.

Ainsi, en Suède, une étude a été réalisée sur toute la population du pays par le docteur James MacCabe, soit sur près de 4,5 millions d’individus, comparant alors les dossiers médicaux de tous les citoyens vivant sur le territoire Suédois en les classant par cursus universitaires.

Aussi surprenants puissent paraitre ces chiffres, le constat est pourtant sans équivoque : les trentenaires ayant suivi un parcours universitaire porté sur l’art (théâtre, musique, etc.) ont 90 % plus de risques d’être hospitalisées pour schizophrénie que les autres.

Cette étude a également révélé que les artistes ont près de 62 % plus de risques d’être hospitalisés pour troubles bipolaires et 39 % plus de risques de souffrir de dépression nerveuse.

De même, en 2010, une étude menée par des chercheurs suédois de l’Institut Karolinska a permis de mettre en exergue les ressemblances entre le mode de fonctionnement du cerveau des individus atteints de schizophrénie et celui des personnes à fort potentiel créatif en les soumettant à un même examen scintigraphique cérébral.

Les causes justifiant la relation entre la créativité et la schizophrénie

Si un lien étroit existe entre la créativité et la schizophrénie ou tout autre trouble psychiatrique grave, il est primordial de se pencher sur les causes probables : si les pathologies telles que la schizophrénie, la bipolarité ou la dépression relèvent du domaine psychologique ou psychiatrique, il semblerait que des causes physiologiques puissent également en être à l’origine.

Joe Skinner Photography, Flickr

Ainsi, le neurologue Islandais Kari Stefansson a mené une étude génétique sur près de 86 000 Islandais en les divisant en deux grands groupes, mettant d’un côté les dossiers médicaux de ceux qui exercent une profession artistique (acteurs, chanteurs, peintres, musicien, etc.) et de l’autre ceux dont les métiers se veulent plus classiques (cadres, assureurs, banquier, etc.).

En comparant leurs génomes, il en ressort que ceux des individus qui travaillent dans le domaine artistique présentent davantage de ressemblances avec ceux des schizophrènes. Par ailleurs, cette même étude a prouvé que le risque de souffrir de schizophrénie est doublé chez ceux qui exercent une profession artistique.

Dans le même ordre d’idée, une étude basée sur un échantillon de 70 000 Norvégiens démontre que ceux qui excellaient dans les matières artistiques à l’école (littérature, musique, arts plastiques, etc) étaient aussi ceux qui avaient le plus développé de graves troubles mentaux par la suite.

Enfin, une étude faite par le professeur au Département des Neurosciences suédois Fredrik Ullén a révélé que les gènes du récepteur de la dopamine D2 des personnes hautement créatives avaient la particularité de présenter une densité plus faible que la moyenne dans leur thalamus, tout comme chez les schizophrènes.

Si cette découverte est intéressante, c’est parce qu’il faut savoir que le thalamus est la structure du cerveau qui permet littéralement de filtrer les informations avant qu’elles ne puissent atteindre le cortex cérébral : si celui-ci comporte moins de récepteurs D2 comme c’est le cas pour les créatifs et les schizophrènes, cela signifie forcément que les informations sont moins filtrées par le cerveau et donc les pensées plus importantes, plus rapides, ce qui pourrait expliquer pourquoi les schizophrènes sont sujets à des délires et des hallucinations, mais aussi pourquoi les personnes créatives perçoivent le monde si différemment.